Données personnelles : le temps des sanctions ?

624

Que nous disent ces différentes décisions sur la protection des données personnelles ?

Selon Arnaud Marquant , Directeur des opérations KB Crawl SAS

Les sanctions de la CNIL auprès des entreprises ne respectant pas le RGPD se multiplient. Une étape dans l’acculturation des organisations au respect des données personnelles, que la journée mondiale du 28 janvier (« Data Privacy Day ») permet d’évoquer.

Depuis plusieurs mois, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) multiplie les sanctions à l’attention d’entreprises ne respectant par le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Le 15 septembre 2022, elle attribuait une amende record de 405 M€ à Instagram pour divulgation publique d’adresses de mails et/ou de numéros de téléphone. Le 20 octobre, elle sanctionnait la société Clearview AI pour collecte de données de personnes se trouvant en France. Un mois plus tard, Discord INC ainsi qu’EDF étaient priées de s’acquitter respectivement de
800 000 € et  600 000 €. Au mois de décembre dernier, la CNIL sanctionnait entre autres MicrosoftAppleTikTok et la société Voodoo

Discord : les données de 2,5 millions de comptes français conservées

Que nous disent ces différentes décisions sur la protection des données personnelles ?
D’abord que le « gendarme » français de nos données, à savoir la CNIL, se montre extrêmement vigilant quant au respect des textes en vigueur, édictées en avril 2016 avant d’être appliqués en 2018. Prenons l’exemple de Discord : après contrôle de la CNIL, l’entreprise s’est révélée dans l’incapacité de respecter la durée de conservation des (très nombreuses) données qu’elle véhiculait au quotidien – à savoir des échanges oraux, à la fois de nature professionnelle et personnelle. Elle a notamment relevé que les informations de près de 2,5 millions de comptes français inutilisés depuis plus de trois années avaient été conservées par l’entreprise américaine.
La CNIL a aussi noté que Discord avait manqué à son obligation d’information sur les durées de conservation, et que l’application vocale demeurait connectée à l’ordinateur lorsque l’utilisateur avait fermé la fenêtre. La sécurité des données personnelles a par ailleurs été pointée du doigt dans la mesure où le mot de passe de l’entreprise n’était pas suffisamment robuste (aucune variation entre les types de caractères n’était exigée), et qu’aucune étude d’impact relative à la protection des données n’avait été diligentée par Discord.

Le temps du respect du RGPD est venu

Bien que relativement modeste eût égard aux quelque 400 M€ réclamés à Instagram par la CNIL, l’amende infligée à Discord pointe une différence d’approche patente entre la protection des données telle qu’elle est pratiquée au sein de l’Union Européenne, et celle qui est en vigueur Outre-Atlantique. Des organisations telles que Microsoft, Apple ou encore Clearview relèvent clairement d’une culture juridique où l’orientation business prédomine sur la défense du consommateur, c’est-à-dire du citoyen. Après quelques années au cours desquelles certaines pratiques ont été constatées sans engendrer de sanctions, nous sommes semble-t-il entrés dans une autre séquence. Estimant sans doute que les organisations – notamment celles qui sont basées hors de l’UE – ont largement eu le temps de s’acculturer au RGPD, la CNIL fait valoir son droit de faire respecter strictement la loi continentale. Une nouvelle que l’ensemble des délégués à la protection des données (DPO) doivent désormais pleinement intégrer, surtout en cas de retard de mise en conformité au sein de leur entreprise…

C’est sur ce point sans doute que les organisations (françaises comme étrangères) doivent actuellement se montrer vigilantes. La Journée Européenne de la Protection des Données à Caractère Personnel (Data Privacy Day) de ce 28 janvier est là pour nous rappeler combien les données personnelles relèvent d’un bien spécifique, sanctuarisé, précieux, dans un contexte tout à la fois marqué par une recrudescence des cyber-attaques, une instabilité internationale qui perdure et des transitions plurielles à mener.

Au passage, cette journée symbolique du 28 janvier rappellera aux veilleurs comme aux entreprises férues d’intelligence économique la nature exacte de leur rôle lorsque des recherches sont opérées. Il est en effet de la responsabilité de chacun que les outils de curation utilisés ne captent pas de données personnelles, encore moins que celles-ci ne se retrouvent stockées au sein de serveurs professionnels. Une évidence qu’il est toujours bon de conserver à l’esprit…